Venise et la Vénétie des écrivains

(Voyage réalisé en juin 2014 accompagné par Pascale Lismonde, journaliste, écrivain et critique d’art. Cette amoureuse de l’Italie, où elle a vécu, a consacré aux grandes villes de la péninsule quatre anthologies littéraires destinées au voyage. Elle a produit durant vingt ans des émissions pour France Culture sur les arts et l’histoire des idées avec un penchant marqué pour la Méditerranée.)
Jour 1:
Vol Paris / Venise, Abano Terme et les collines Euganéennes

Vol Paris / Venise dans la matinée. A l’arrivée à l’aéroport de Venise, transfert à Abano Terme.
Dépôt des bagages et déjeuner libre.
L’après-midi, nous parcourrons les paysages doucement vallonnés d’anciens volcans des monts Euganéens. Devenue un haut lieu de villégiature pour les Vénitiens au XVIIIe siècle, cette région charmante et tempérée l’été, donna à Goldoni une de ses pièces les plus réussie, et toujours très contemporaine par son humour, relative aux excès du « tourisme bourgeois», la Trilogie de la villégiature…
Nous passerons en chemin par Este, fief originel des seigneurs de Ferrare, dont nous remarquerons l’enceinte fortifiée.
Nous ferons halte à Arqua Petrarca dont l’histoire est désormais liée à celle du poète dont nous visiterons la demeure : la maison de Pétrarque. Outre le grand poète classique des Sonnets à Laure, nous y évoquerons quelques illustres voyageurs français amoureux de la région, comme Montaigne, de Brosses ou Giono.
Puis, nous découvrirons Monselice, charmante petite ville dont nous verrons le château ayant appartenu au seigneur de Padoue, en son temps protecteur de Pétrarque . Un imposant ensemble architectural en partie fortifié, dont le noyau le plus ancien remonte au XIe siècle. La montée par le sanctuaire des Sept-Eglises nous permettra d’embrasser un large panorama ouvert sur la plaine.
Au retour, nous ferons arrêt à la magnifique villa dei Vescovi (visite soumise à autorisation) de pur style classique romain, haut lieu de culture au XVIe siècle sous la férule de l’évêque de Padoue. La richesse de son ornementation « a fresco » témoigne du haut raffinement de ses hôtes.
Retour à Abano Terme. Dîner et nuit à l’hôtel.

Jour 2 : Padoue

Notre journée commencera à Abano Terme avec la visite du musée du masque, exceptionnelle collection qui continue à être enrichie par des créations contemporaines d’artisans sculpteurs. Ces derniers perpétuent la tradition du masque de la Commedia dell’ Arte, tout en la modernisant, un peu à la manière de Goldoni, s’emparant du théâtre populaire pour introduire sa vision du théâtre « de caractères ».
Puis, nous nous rendrons à Padoue, foyer majeur de l’humanisme chrétien (incarné par Pétrarque ou des artistes de l’époque comme Mantegna ou Donatello), qui manifestera un attachement profond à une liberté de ton toute vénitienne face à l’église de Rome. Après la « trahison bonapartienne », Padoue sera également un des terrains les plus féconds du Risorgimento italien.
La visite de son université qui accueillit notamment Pic de la Mirandole, Copernic et Galilée, illustrera cette ouverture à la modernité, et ce qu’elle engendrera comme remarquables avancées scientifique et médicales, (dont un des plus anciens théâtres anatomiques du monde), mais également sociales, avec la première femme diplômée docteur en philosophie au XVIIe siècle, la vénitienne Elena Cornaro Psicopia.
Déjeuner au Caffè Pedrocchi.
Dans ce décor historique à l’architecture néo-classique emblématique du début du XIXe siècle, nous nous entretiendrons le temps d’une pause apéritive et durant le déjeuner avec l’écrivain Roberto Ferruci, enseignant à l’université de Padoue, ( excusé ce dernier fut remplacé par son ami et collègue Alberto Fassina, chroniqueur, auteur et cinéphile averti) au sujet de la littérature issue de la modernité de cette ville, durant la période révolutionnaire (Ippolito Nievo, Ugo Foscolo) puis de la résistance (Andrea Zanzotto).
L’après-midi, après un détour par la Grand place et le palazzo della Ragione (vue extérieure), nous visiterons la célèbre chapelle des Scrovegni, ornée de fresques que Giotto y réalisa entre 1304 et 1306. Dans l’église des Eremitani voisine, nous découvrirons un chef-d’oeuvre de Mantegna : des fresques, au réalisme novateur où transparaissent les préoccupations du peintre pour la perspective comme pour les détails archéologiques.
Nous achèverons la visite de cette ville par la basilique Sant’Antonio. Datée du XIIIe siècle, également nommée « Il Santo », elle abrite la tombe de saint Antoine de Padoue et reste un haut lieu de pèlerinage.
A côté de la basilique, on peut admirer la statue équestre du condottiere Gattamelata, premier chef-d’oeuvre monumental de la Renaissance, que l’on doit à Donatello.
Retour à Abano Terme. Dîner libre et nuit à l’hôtel.

Jour 3 : Vicenza, Vérone

Le matin, nous irons à Vicenza, au décor encore façonné par les nombreuses réalisations de Palladio et de son élève Scamozzi. Toujours foyer intellectuel actif, elle est la mère patrie d’auteurs contemporains majeurs tels que Guido Piovane, ou Gofredo Parize, ainsi que d’organes de presse influents.
Nous commencerons notre visite par le Teatro Olimpico, création fascinante considérée comme le chef d’oeuvre de Palladio, pour son décor en trompe l’oeil remarquable.
Puis, nous rejoindrons l’église Santa Corona élevée au XIIIe siècle pour accueillir un fragment de la couronne d’épines du Christ, cadeau de Saint Louis à l’évêque de Vicenza. L’église tout juste restaurée recèle en son Trésor des oeuvres des grands maîtres de la peinture vénitienne du XVIe au XVIIIe siècle tels Bellini et Véronèse.
Déjeuner libre.
L’après-midi, nous découvrirons Vérone. Traversée par l’Adige, cette élégante cité fut, dès le XIIIe siècle sous la seigneurie des Scaliger, un foyer artistique brillant.
Une première promenade nous conduira à la découverte de la ville qui se développa autour de l’ancien forum des temps romains, pôle principal de la vie publique qui devint la place du marché au temps des Scaliger et la place aux herbes, aujourd’hui.
Non loin de là, s’ouvre l’élégante place des Seigneurs, ancien coeur politique de la cité et résidence des puissants maîtres de l’ancienne Vérone. Délimitée par les arches Scaliger, mausolée de cette famille, elle nous séduira par l’originalité de son architecture et de ses sculptures gothiques.
Une statue de Dante témoigne ici des treize années d’exil passées à Vérone par l’auteur de la Divine Comédie, interdit à Florence par la papauté : encore la tradition « indépendante » de la Vénétie d’alors…
Sur la façade des palais figurent d’autres célébrités véronaises plus anciennes comme Pline l’Ancien, Catulle ou Vitruve.
Nos pas nous conduiront ensuite à l’amphithéâtre des Arènes, le troisième plus grand au monde, qui n’a jamais renoncé à sa fonction première : le spectacle, puisqu’il accueille chaque année des opéras. Goldoni, alors jeune étudiant, y découvre le théâtre. Ses mémoires en témoignent avec émotion. Ici les talentueux librétistes vénitiens Piave et Da Ponte continuent de séduire les amateurs d’opéras de Verdi et Mozart par leurs textes ciselés.
Après avoir traversé la place Brà, et son charmant décor à l’architecture éclectique, nous arriverons en flânant à travers les ruelles au caractère médiéval, à l’auberge devenue la « maison de Juliette » (vue extérieure). C’est d’un brillant nouvelliste vénitien, l’abbé Matteo Bandello, que Shakespeare tirera sa tragédie Roméo et Juliette, et que Musset trouvera la trame de sa pièce La Quenouille de Barberine.
Au retour seront évoqués les liens de ces deux dramaturges, Shakespeare et Musset, avec Venise, tournant majeur de leurs vies d’auteurs.
Retour à Abano Terme. Dîner et nuit à l’hôtel.

Jour 4: Venise

Route pour Venise. Puis, transfert en bateau privé à l’hôtel pour déposer les bagages.
Bien qu’on n’arrive plus à Venise par la mer, comme Georges Sand ou Taine, le Grand Canal reste le passage obligé de qui visite Venise, comme tant d’auteurs éblouis par ses palais et son trafic permanent, déjà décrit par l’Arétin dans ses Lettres. Nous l’emprunterons pour nous rendre en bateau-taxi du Tronchetto (parking de Venise) à notre hôtel, proche du théâtre de la Fenice, où nous déposerons les bagages.
Nous gagnerons ensuite à pied la place Saint-Marc dont nous détaillerons le majestueux agencement architectural que composent les Procuraties (vue extérieure), la basilique (vue extérieure) et le palais des Doges.
Ce dernier, dans son enveloppe gothique restée intacte, offre un décor grandiose au pouvoir des Doges. Palladio y contribua, ainsi que Titien, Véronèse, Tintoret, Palma le jeune. Leurs toiles enchâssées dans de fastueux plafonds ou recouvrant les murs, constituent le décor des salles où les instances de la république se réunissaient (Sénat, Conseil des Dix, Grand conseil).
Un itinéraire « secret » nous permettra de découvrir les coulisses du palais, à travers le pont des Soupirs, à la découverte des bureaux de l’Inquisition, de la salle de torture et des prisons. C’est ici, dans les cachots des Plombs que nous évoquerons l’audacieuse évasion de Casanova en 1755.
Afin de se reposer de l’animation de la place, nous gagnerons ensuite les Giardini en vaporetto, pour un déjeuner au calme dans la verdure de ces jardins créés par Napoléon, accueillant désormais la Biennale d’Art.
Déjeuner au restaurant.
Nous y retrouverons notre guide littéraire qui nous remémorera quelques uns des meilleurs textes d’auteurs voyageurs, dont de nombreux Français, venus alimenter de leur plume l’engouement pour Venise, et en quelque sorte « lancer » la Venise touristique !
Dans l’après-midi, nous reviendrons sur nos pas en direction de la place Saint-Marc, par un itinéraire qui nous permettra de visiter le quartier de l’Arsenal, dont les fortifications rappellent l’importance stratégique pour la cité, et nous longerons les quais des Slavons où l’on débarquait les grumes venues d’Istrie et Slovénie. Après avoir passé l’église de la Pièta (vue extérieure), érigée sur les fondations de l’ancienne chapelle où officiait Vivaldi (ce que rappelle Tiziano Scarpa dans son livre Stabat Mater), nous reprendrons le vaporetto à hauteur de l’hôtel Danieli (vue extérieure) : l’établissement mythique où résidèrent tant d’auteurs dont le couple tumultueux formé par Sand et Musset. La visite de l’église et du cloître de San Giorgio di Maggiore clôturera notre journée. C’est de son campanile que nous admirerons le coucher du soleil sur le bassin Saint- Marc, et que nous découvrirons l’étendue des îles de la lagune. Nous pourrons y repérer les préférées de Byron, Hemingway, Thomas Mann ou Gabriele d’Annunzio.
Dîner libre et nuit à l’hôtel.

Jour 5: Venise

La matinée sera co-animée par un l’auteur vénitien Tiziano Scarpa, romancier et dramaturge, amoureux de Venise et de son théâtre permanent (rencontre particulièrement appréciée !).
Nous commencerons par visiter le Teatro La Fenice où nous évoquerons les célèbres librétistes vénitiens que furent Lorenzo Da Ponte et Pier Maria Piave. Improvisateurs hors pair, ils mirent leur fluidité d’écriture au service des plus grands, Mozart, Verdi, Monteverdi. Leurs mémoires sont un délice de plongée rocambolesque dans une période éminemment féconde sur le plan théâtral à Venise
Puis, nous gagnerons le quartier de San Polo considéré, aujourd’hui encore, comme l’un des plus animés et des plus authentiques de Venise. Nous y visiterons la casa Goldoni, petit palais typiquement vénitien et maison natale de l’auteur dramatique italien le plus connu des français. Rénovateur du théâtre italien, il finira sa carrière de dramaturge en France, en butte à de violents détracteurs à Venise.
Nous profiterons de sa proximité pour découvrir dans ce quartier la plus monumentale des Scuole : la Scuola San Rocco, dotée par le Tintoret (au terme d’un concours âprement disputé) d’un immense cycle décoratif, dit «la chapelle Sixtine de l’art vénitien», d’un faste étonnant.
Déjeuner libre dans le quartier du Rialto.
De part et d’autre du pont du Rialto, nous admirerons une des plus belles vues sur le Grand canal, dépeinte par tant d’artistes et d’auteurs éblouis. De là, nos pas nous conduiront sur l’autre rive, dans le quartier du Canareggio, au nord de San Marco, en passant par le petit bijou d’architecture pisane qu’est l’église Santa Maria dei Miracoli.
San Giovanni e Paolo, désignée sous l’affectueux vocable de « Zanipolo » par les Vénitiens, est une vaste église gothique érigée à l’origine par des dominicains, épris de lignes sobres. Mais l’usage comme nécropole des grands hommes vénitiens a sérieusement enrichi son décor, puisqu’on y admire, outre de somptueuses stèles mortuaires des principaux doges, de multiples toiles de maîtres dont Bellini, Lotto et Véronèse.
Il s’agit également du quartier d’enfance de Hugo Pratt qui rêva devant la statue du Condotierre d’aventures hautes en couleur et de voyages lointains dans ce quartier où revint un des fils prodigues de la Sérénissime, Marco Polo. Les itinéraires de Corto Maltese sont une des meilleures façons de se perdre dans les ruelles de Venise en en découvrant les quartiers secrets.
Nous verrons enfin le casino Venier qui abrite désormais l’Alliance française. A l’origine, le terme « casino » désignait des petites demeures à l’ambiance intime et divertissante, réservées à quelques proches. Très prisés et très nombreux, en particulier au XVIIIe siècle, ils constituaient aussi bien des salles de jeux, des lieux de débauche propices aux rencontres galantes que des salons littéraires !
Son riche intérieur reproduit « en miniature » la typologie des palais vénitiens. Ce sera l’occasion d’évoquer l’importance extraordinaire du jeu à Venise, source de richesse pour la ville de tous les plaisirs au XVIIIe siècle ; source de ruine pour beaucoup comme en témoignent tant d’écrits de Vénitiens, de Casanova à Goldoni, en passant par Alberto Ongaro ou Passinetti, nos contemporains…
Enfin, c’est une autre Venise secrète, celle des contes et légendes, que l’auteur vénitien Alberto Toso Fei nous proposera d’arpenter, à la tombée de la nuit.
Dîner libre et nuit à l’hôtel.

Jour 6 : Venise, et retour à Paris

Ce matin, nous gagnerons le musée Correr, symbole de l’occupation de Venise par les forces étrangères, mais aussi musée d’histoire de Venise.
Palais érigé par Napoléon à la place d’une église qui fermait à l’époque la piazza San Marco, il a été magnifiquement rénové grâce à l’action du comité français pour la sauvegarde de Venise. Notre visite nous conduira dans les appartements impériaux qui accueillirent brièvement Napoléon, mais servirent surtout à son successeur l’empereur d’Autriche et à sa femme Sissi. La partie historique du musée permet de revenir sur l’ampleur de la civilisation vénitienne, et d’admirer au passage d’autres oeuvres de Canova, Bellini, Lotto…
Point final de notre séjour, nous visiterons la fondation Querini Stampalia. Au sein de ce palais familial, les appartements privés toujours meublés selon l’époque attestent du raffinement et de la richesse des intérieurs vénitiens. Riche collectionneur d’art , son propriétaire y assembla non seulement une spectaculaire collection de peintures du XIVe au XIXe siècle (l’une des plus riches de Venise), mais également- et c’est tout son charme- des tableaux de Longhi ou de facture plus modestes parfois, illustrant la vie quotidienne d’une riche famille, de ses loisirs, ainsi que des principaux événements publics auxquels les Vénitiens étaient alors conviés. Venise comme si vous y étiez…Ce sera l’occasion d’introduire nombre d’ouvrages et romans historiques, prenant pour cadre Venise à différentes époques, dans lesquels il fera bon se replonger au retour du voyage…
Déjeuner libre.
Puis, transfert en bateau privé à l’aéroport (transfert séparé des bagages depuis l’hôtel) et vol pour Paris dans la soirée.